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Bloquer l’activation des oncogènes pour ralentir la leucémie

Les scientifiques du LIH démontrent la valeur thérapeutique d’une nouvelle molécule inhibant la traduction des oncogènes   

26 mai 2023 6minutes

Des chercheurs du groupe de recherche « Tumor Stroma Interactions » (TSI) du Département de recherche sur le cancer (DoCR) du LIH ont étudié comment l’inhibition de la traduction de l’ARNm, en particulier des oncogènes tels que MYC, dans les cellules de la leucémie lymphoïde chronique (LLC) peut recâbler leur métabolisme et diminuer leur capacité proliférative, ralentissant ainsi la progression de la maladie. Les résultats, qui ont été publiés dans la prestigieuse revue internationale « Blood », mettent en avant le potentiel de la molécule FL3 dans l’inhibition de la traduction de MYC grâce à un nouveau mécanisme d’action, ouvrant ainsi de nouvelles voies thérapeutiques pour les patients atteints de LLC.   


La leucémie lymphoïde chronique (LLC), le type de leucémie le plus courant, se caractérise par une production, une prolifération et une accumulation excessive de lymphocytes B matures mais dysfonctionnels dans le sang, la rate, les ganglions lymphatiques et la moelle osseuse. Une caractéristique bien établie de la LLC et de certaines de ses complications plus rares mais agressives est le niveau accru de protéines Myc aberrantes, codées par l’oncogène MYC. En effet, il est de plus en plus reconnu que l’augmentation du taux général de traduction[1], y compris celle d’oncogènes spécifiques tels que MYC, est une caractéristique d’une grande variété de cancers. Les molécules qui inhibent la traduction détiennent donc un grand potentiel thérapeutique pour le traitement de la LLC. 

Afin de confirmer le rôle clé d’une traduction protéique aberrante dans la LLC et d’exploiter cette découverte pour tester de nouveaux médicaments potentiels in vivo, les Drs Jérôme Paggetti et Etienne Moussay, responsables du groupe TSI et auteurs correspondants de l’étude, ont travaillé avec des échantillons prélevés d’une cohorte de 144 patients représentatifs de la population atteinte de LLC, ainsi qu’avec des modèles de souris. Grâce à des expériences d’expression génique, ils ont montré que les gènes liés à la traduction et leurs protéines sont effectivement augmentés dans les cellules de LLC, tant chez l’homme que chez la souris, et que le traitement d’échantillons de patients avec la flavagline synthétique « FL3 » – une molécule qui induit la mort des cellules cancéreuses – bloque la traduction. Plus précisément, l’équipe a observé que le traitement avec FL3 affectait particulièrement la traduction et la synthèse de protéines impliquées dans divers processus cellulaires clés, notamment la traduction elle-même, le métabolisme et la régulation du cycle cellulaire, ainsi que celle de protéines oncogéniques telles que MYC et ETS-1.

Sur la base de ces résultats, les chercheurs ont investigué les conséquences biologiques de l’inhibition de la traduction. Fait intéressant, les cellules de LLC dérivées de patients étaient plus sensibles à la mort cellulaire induite par FL3 que les cellules saines. De même, en inhibant la traduction de MYC, de faibles doses de FL3 induisaient des changements majeurs dans le métabolisme cellulaire, bloquant par conséquent le cycle cellulaire et altérant la croissance et la prolifération des cellules de LLC humaines et murines. « Nos résultats confirment donc la fenêtre thérapeutique pour traiter sélectivement la LLC avec des inhibiteurs de la traduction », déclare le Dr Anne Largeot, scientifique au sein du groupe TSI et premier auteur de l’étude.

L’équipe de recherche a également démontré que FL3 cible un groupe de protéines appelées prohibitines (PHBs), qui sont directement impliquées dans la traduction. À savoir, l’interaction entre FL3 et les PHBs perturbe physiquement cette machinerie d’initiation de la traduction, interférant ainsi avec le processus. « Lorsque nous avons testé l’efficacité du traitement avec FL3 pour inhiber la traduction et ralentir la progression de la LLC in vivo chez la souris, nous avons observé un pourcentage considérablement réduit de cellules de LLC dans leur rate, ainsi qu’un taux de survie significativement amélioré », explique-t-elle.

De plus, nous avons montré que FL3 inhibait spécifiquement le taux de traduction dans les cellules malignes de la LLC in vivo mais n’avait aucun effet sur les cellules B non leucémiques, démontrant l’intérêt de cette stratégie thérapeutique pour cibler sélectivement les cellules cancéreuses sans affecter les cellules saines ,

ajoute le Dr Moussay.

Fait intéressant, la combinaison de FL3 avec l’immunothérapie anti-PD1 a donné un résultat encore meilleur in vivo, ce qui suggère que FL3 agit également en supprimant les freins à l’immunité anti-tumorale.

« Par ailleurs, nous avons montré qu’une expression élevée des gènes liés à l’initiation de la traduction et des gènes des PHBs est corrélée à la progression de la maladie, à une faible survie et à des paramètres cliniques défavorables chez les patients atteints de LLC. Comme la traduction confère également aux cellules cancéreuses une résistance à plusieurs thérapies, notre travail met en avant la possibilité de combiner l’inhibition de la traduction avec la norme de soins dans la LLC, donnant à nos résultats une dimension hautement translationnelle et représentant une approche très prometteuse pour le traitement de cette tumeur maligne caractérisée par la rechute et la résistance au traitement », conclut le Dr Paggetti.

L’étude, publiée dans la revue « Blood » avec le titre complet « Inhibition of MYC translation through targeting of the newly identified PHB-eIF4F complex as therapeutic strategy in CLL », a été sélectionnée pour figurer sur la page de couverture de la revue. La recherche a été soutenue par des subventions du Fonds National de la Recherche du Luxembourg (FNR), de la Fondation Cancer, du FNRS-Télévie, du Plooschter Projet, de la Fondation Belge pour la Recherche sur le Cancer, de la Fondation Suédoise du Cancer de l’Enfant, du Conseil Suédois de la Recherche et de la Société Suédoise du Cancer.


[1] Processus de traduction de la séquence d’une molécule d’ARN messager (ARNm) en une séquence d’acides aminés au cours de la synthèse des protéines.

Scientific Contact

  • Jérôme
    Paggetti
    Group Leader, Tumor Stroma Interactions (TSI)

    Contact

  • Etienne
    Moussay
    Group Leader, Tumor Stroma Interactions (TSI)

    Contact

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