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Révéler la flexibilité métabolique des cellules cancéreuses

Aperçu des réponses métaboliques au manque de glucose

01 mars 2024 6minutes

La compréhension des changements métaboliques complexes qui causent la progression des tumeurs a fait l’objet d’investigations intensives dans le domaine de la recherche sur le cancer. Dans une étude récente menée par le département de recherche sur le cancer du LIH et publiée dans la prestigieuse revue « Cell Reports » en février 2024, les chercheurs ont mis en lumière la flexibilité métabolique des cellules cancéreuses lorsqu’elles sont confrontées à de faibles niveaux de glucose, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur leurs stratégies d’adaptation et leurs vulnérabilités potentielles.


Tout au long du processus menant à la formation de métastases, les cellules cancéreuses sont constamment confrontées à des environnements métaboliques difficiles et à des stress nutritionnels. À l’intérieur de la tumeur, par exemple, il existe des zones où l’approvisionnement en glucose est limité en raison de l’hétérogénéité de la vascularisation, une condition qui exerce une pression sélective ne permettant qu’aux cellules métaboliquement les plus résistantes de survivre et de former des métastases. En effet, l’une des caractéristiques des cellules cancéreuses est leur flexibilité et leur plasticité métabolique, ce qui est responsable de leur adaptation et de leur prolifération. « Notre étude visait en particulier à découvrir les mécanismes qui entraînent des adaptations métaboliques en réponse à des niveaux limités de glucose dans le microenvironnement tumoral et les implications qui en résultent pour la survie et la prolifération des cellules cancéreuses, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques contre les cancers métastatiques », explique le Dr Mohaned Benzarti, scientifique au sein du groupe Métabolisme du cancer du département de recherche sur le cancer du LIH et premier auteur de la publication.

La nouveauté de l’approche des chercheurs a été de reproduire in vitro le scénario d’insuffisance de glucose dans le microenvironnement tumoral en utilisant du galactose à la place du glucose. En effet, d’une part, les études in vitro utilisent souvent des concentrations excessives de divers nutriments, dont le glucose, pour étudier les réponses métaboliques des cellules cancéreuses, ce qui rend ces dernières « accros » au glucose et les oblige à orienter leur métabolisme de manière forcée vers la glycolyse aérobie. D’autre part, les études portant sur la réaction des cellules cancéreuses à la carence du glucose dans le microenvironnement tumoral utilisent le plus souvent l’absence totale de glucose in vitro, ce qui ne reflète pas la réalité dans le microenvironnement tumoral. La véritable flexibilité métabolique des cellules cancéreuses en réponse à la disponibilité des nutriments peut donc passer inaperçue. « Nous avons contourné ce problème en remplaçant le glucose par le galactose, un sucre alternatif qui peut toujours contribuer à la production d’énergie, mais d’une manière plus lente et plus continue, et donc plus représentative du microenvironnement tumoral réel où le glucose est rapidement consommé mais continuellement réapprovisionné par la circulation », explique le Dr Benzarti.

Cela a permis à l’équipe de recherche de capturer les caractéristiques métaboliques des cellules tumorales qui se produisent dans un contexte de faible teneur en glucose, démasquant ainsi leur véritable flexibilité métabolique in vitro. « Plus précisément, nous avons découvert que, lorsque le niveau de glucose est bas, les cellules cancéreuses réorientent leur métabolisme de combustion du glucose vers un substrat différent, à savoir la sérine, pour soutenir leur production d’énergie et lutter contre le stress oxydatif », explique le Dr Benzarti.

Ce processus de synthèse de la sérine (Serine synthesis pathway – SSP) conduit à la production de sérine, un acide aminé qui est un précurseur essentiel pour la synthèse des protéines, des acides nucléiques et des lipides et, par conséquent, pour la survie, la croissance et la prolifération des cellules cancéreuses. L’équipe a découvert que le passage du métabolisme glycolytique normal au SSP est régulé par la protéine PKM2 (Pyruvate kinase isozyme M2) qui, lorsqu’elle est bloquée, réoriente le métabolisme des cellules cancéreuses vers la production de sérine.

« Le détournement du métabolisme cellulaire vers le SSP offre de nombreux avantages métaboliques aux cellules cancéreuses », explique le Dr Benzarti. « D’un point de vue énergétique, cette voie a le potentiel de générer une quantité significative de biomolécules « combustibles ». En outre, le SSP est très flexible, ce qui signifie qu’il peut être adapté aux exigences spécifiques de la cellule afin de produire les biomolécules dont elle a besoin dans certaines conditions », ajoute-t-il.

En conclusion, nos résultats démontrent la flexibilité et la plasticité du réseau biochimique dans les cellules tumorales. Ces caractéristiques adaptatives représentent un défi pour le développement de médicaments de médecine de précision qui ciblent le métabolisme des cellules cancéreuses, et nécessitent donc une compréhension plus approfondie de l’impact de la disponibilité des nutriments dans le microenvironnement tumoral sur le métabolisme des cellules cancéreuses. À cette fin, nous travaillons actuellement à élucider davantage les mécanismes précis qui déterminent l’inhibition et l’activation de PKM2, ainsi que leur lien avec d’autres voies métaboliques

conclut le Dr Johannes Meiser, auteur correspondant de la publication et directeur du département de recherche sur le cancer du LIH.

L’étude a été publiée en février 2024 dans Cell Reports avec le titre complet “PKM2 diverts glycolytic flux in dependence on mitochondrial one-carbon cycle”.

Financements et collaborations

L’étude a été soutenue par le Luxembourg National Research Fund (FNR) dans le cadre des programmes ATTRACT, CORE, PRIDE et i2Tron ; par la Fondation du Pélican de Mie et Pierre Hippert-Faber, sous l’égide de la Fondation de Luxembourg ; ainsi que par la Fondation Cancer et le FNRS-Télévie. Elle a été réalisée en collaboration avec le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine de l’Université du Luxembourg, l’hôpital universitaire de Francfort de l’Université Goethe, le German Cancer Consortium et le Cancer Research U.K. Scotland Institute.

Scientific Contact

  • Johannes
    Meiser
    Director, Department of Cancer Research

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